Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

facilement compris que, dans leur situation désespérée, aucun autre sentiment que le découragement ne pouvait habiter leur âme. Voulait-il qu’ils se fissent colons dans les endroits où on les avait jetés ? À quoi eussent servi des terres à des familles tronquées dont les membres épars pleuraient sur leur séparation, et qui, pendant huit années, jusqu’à la Paix de 1763, n’eurent pas le privilège de se chercher et de se réunir, — car les ordres de Lawrence le leur défendaient ? — Pouvait-on transformer en colons, attachés au lieu de leur exil et au travail, ces gens que l’on avait mis dans une situation d’esprit plus triste que la mort, auxquels l’on avait enlevé tout ce qu’ils possédaient, que l’on avait arrachés du sein de l’abondance et de leurs foyers pour en faire des mendiants parmi des étrangers à leur langue, à leur religion, qui souvent se moquaient d’eux en les accablant de mépris ? Parkman en parle bien à son aise ! Pour ces gens de cœur, si simples et si ignorants qu’ils fussent, que restait-il d’autre qu’à se décourager en face d’une si âpre destinée ? S’il en eût été autrement, ils eussent été indignes de toute sympathie.

Cette simplicité et cette ignorance mêmes, unies à leur industrie et aux hautes qualités morales dont furent témoins les compatriotes de Parkman, — voilà justement ce qui a contribué le plus à intéresser à leur malheureux sort tant d’écrivains distingués et d’âmes compatissantes. L’homme doué d’instincts généreux ne se détourne pas de l’opprimé, et surtout il ne l’accable pas, parce qu’il est simple et ignorant. C’est justement à cause de cette simplicité et de cette droiture qu’un despote, avide de richesse, a réduit ces paysans à la misère afin de s’enrichir du fruit de leurs travaux.