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Il répugne, il est vrai, de concevoir qu’il a pu se trouver un personnage assez inhumain pour expatrier tout un peuple dans le but de s’enrichir de ses dépouilles. Ne pouvant douter que Lawrence n’ait spéculé sur le bétail des Acadiens et sur leurs terres, nous serions prêt à douter qu’il ait agi en tout cela avec préméditation, si la chose était possible ; mais elle ne l’est pas. Son crime est horrible ; il dépasse nos conceptions. Hélas ! ne savons-nous pas qu’il s’est rencontré, de tout temps et dans toutes les conditions, des hommes qui ont commis des actes aussi honteux qu’il se pouvait ? Il n’a pas prémédité son action ! Mais l’homme qui n’a jamais exprimé un sentiment humain en face de la désolation qu’il causait ; qui a donné l’ordre de s’emparer des hommes d’abord pour les déporter en certains lieux, et ensuite des femmes pour les jeter ailleurs, en recommandant aux gouverneurs des provinces où il les envoyait de les garder à vue, était bien capable de préméditer un tel acte dans un but de spoliation. Il n’a pas prémédité son forfait ! Mais l’homme qui a fait peser sur ses compatriotes une intolérable oppression, qui a commis des concussions dans tous les domaines du service public, a bien pu, même s’il n’était coupable que de la moitié des accusations portées contre lui par ses administrés et par les Lords du Commerce, accomplir la déportation d’un peuple en vue de s’enrichir. Les grands criminels de cette espèce ne font pas les choses à moitié. Il n’a pas prémédité son forfait ! Mais un homme qui comme Lawrence, de simple apprenti peintre en bâtiments, s’élève, en quelques années, au grade de brigadier-général, et au poste de gouverneur d’une Province, n’a dû rien laisser au hasard. Dans un temps où l’avancement était à peu près fermé au roturier, il fallait à celui qui avait