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« Comme il arrive presque toujours, dit Rameau, les petits tyrans sont d’autant plus serviles avec les grands qu’ils sont plus féroces avec ceux qu’ils persécutent. Murray se mit donc à plat ventre devant Son Excellence d’Halifax et se tint à la disposition de son respectable courtier ; il le suivait dans ses démarches, et comme naturellement Winslow s’intéressait aussi à cette affaire, Murray lui rendait compte des recherches ; de sorte que, dans ce moment critique, où l’existence de tout un peuple était en jeu, les chevaux d’un héros de carrefour devinrent la préoccupation de tout l’état-major. Le 3 septembre, Murray écrivait à Winslow : « je n’avais trouvé jusqu’à présent rien qui à mon estime pût lui plaire, mais je suis informé aujourd’hui qu’il y a un cheval noir, appartenant à un nommé Armand Gros, de la Grand’Prée, qui, me dit-on, sera un cheval de selle qui conviendra à son goût. Je désire donc que vous soyez assez bon que d’ordonner à René Leblanc fils, ou à quelque autre français, de s’en emparer et de me l’amener[1]. »

Depuis longtemps déjà, on le voit par les termes de la lettre, Murray et Winslow avaient reçu des ordres au sujet de ces douze chevaux. Ils attendaient l’arrestation des Acadiens pour les exécuter. Comme les passe-ports et les lettres sont des trois et quatre septembre, et que l’arrestation des habitants eut lieu le cinq, on voit que tout était calculé au jour et à l’heure : en attendant, tout l’état major était sur pieds pour s’assurer où l’on pourrait se procurer ce qui conviendrait à son Excellence.

  1. Rameau. Une Colonie II, XIV. P. 160. — Cette lettre de Murray à Winslow figure dans le Journal de ce dernier sous la date du 9 septembre. Cf. Wimlow’s Journal. P, 108,