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complète. Il n’avait qu’à se montrer doux et humain, et à lui faire comprendre qu’elle n’avait rien à redouter de sa part, pour l’attacher définitivement à la Couronne.

Après avoir donné des preuves aussi évidentes de fidélité à leur serment, pendant la guerre qui venait de se terminer, et cela dans des circonstances exceptionnelles qui en rehaussaient le mérite, après avoir reçu, par l’entremise du Secrétaire d’État, les assurances du bon vouloir de Sa Majesté à leur égard, les Acadiens étaient en droit d’espérer que la conduite des Gouverneurs envers eux ne subirait pas de revirement. Pour s’en faire des amis, Comwallis n’avait qu’à leur montrer le bon côté de sa nature. La douceur et la justice ont toujours été des moyens d’action infaillibles ; l’obéissance et la sympathie naissent de la bonté comme l’eau jaillit de la source ; il n’est de lien solide que celui qui a la sympathie et la justice pour origine. Cornwallis avait à peine touché le sol de l’Acadie, que les députés acadiens s’empressaient de venir lui présenter leurs hommages. Que durent penser ceux-ci lorsqu’au lieu de l’accueil cordial auquel ils pouvaient s’attendre, on les reçut avec arrogance en leur jetant par la tête une Proclamation aussi sévère ! Ce changement subit ne signifiait-il pas clairement à leurs yeux : « Tant que nous avons été les plus faibles, nous avons eu recours à toutes sortes de ménagements et de détours pour vous garder dans le pays[1]. Maintenant nous sommes

  1. Cela ressort avec évidence, soit des documents que nous avons déjà cités, soit de ceux qu’il y a encore aux archives. La question d’intérêt prime tout, aussi bien pour les gouverneurs que pour la Métropole, représentée en l’espèce par les Lords du Commerce et le Secrétaire d’État. Le départ des Acadiens eût entraîné la ruine de la Province, soit faute de bras pour continuer à la défricher et à la cultiver, soit à cause du renfort que leur exode eut apporté aux colonies françaises, ce qui eût compromis l’existence des possessions britan-