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Notre correspondant suggère l’origine abot (entrave, etc.). La métaphore serait hardie. Cependant on la trouve dans le parler de la Vendée, où l’abot normand (morceau de bois que l’on attache au pied des chevaux pour les empêcher de passer d’un champ dans un autre) est devenu « une petite digue en terre qui arrête un courant d’eau. » (Voir Dumèril, Dict. du patois normand.)

Mais il semble bien plutôt que le français a emprunté directement aboteau du parler saintongeois. En Saintonge, l’aboteau est un « petit bâtardeau fait pour retenir l’eau ». (Éveillé, Gloss. saintongeais ; Jônain, Dict. du patois saintongeais.)

Éveillé tire aboteau du bas-latin abotare.

Le bas latin avait aussi abotum et abotamentum. DuCange donne à ces mots un sens juridique : « privilège du créancier sur les terres qui l’avoisinent. » Mais Du Cange, comme le fait remarquer Éveillé, ne savait pas le saintongeais, et cela lui a fait négliger l’autre sens qu’il aurait pu trouver dans l’une de ses citations ; en effet, il cite lui-même cet extrait d’une lettre de Guillaume, évêque de Poitiers, en 1224 :

«  « Quidquid habere dicebant… in maresüs, pratis, terris, aquis, botis, canalibus, abbotamentis… »  »

Cette citation, dit Éveillé, « indique le sens de mare, pièce d’eau, analogue à celui du patois saintongeais. » En effet, l’aboteau saintongeais est d’abord un « petit réservoir factice pour attirer les oiseaux », puis « un petit bâtardeau pour retenir l’eau ».

Quant à la prononciation aboiteau, elle se retrouve aussi en France.

(Dans Le Parler Français, décembre 1916, Adjutor Rivard).