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mains, les Acadiens réclament, Monseigneur, votre protection et prennent la liberté d’implorer votre secours ; ils espèrent que votre Grandeur voudra bien s’intéresser pour eux auprès du Roy leur premier maître, et c’est dans cette vue qu’ils ont député Monsieur Vignau qui aura l’honneur de vous présenter une requeste de leur part, et comme la justice parle pour eux et que la France est la ressource des malheureux, j’espère, Monseigneur, que vous voudrez bien prendre sous votre protection ce peuple abandonné et que vous obtiendrez de Sa Majesté et la liberté de sortir de l’Acadie et les moyens de s’établir sur les terres françoises et de transporter leurs effets soit dans la rivière St-Jean soit dans les autres terres dont les puissances du Canada viennent de prendre possession.

Les Acadiens soutiendront aux dépens de leur vie cette prise de possession, travailleront avec courage à cultiver les terres, feront fleurir le commerce, fourniront l’Isle Royale de rafraichissemens de toute espèce, et en cas de guerre on trouvera plus de mille hommes portant les armes soit pour la défense de Louisbourg, soit pour reprendre l’Acadie, et dans ces circonstances on verra les Acadiens marcher contre l’Anglois et se battre en braves contre l’ennemi de l’état.

Monsieur Desherbiers m’a demandé un état de ma mission, des noms des villages qui en dépendent et le nombre des Sauvages qui la composent, je luy ay envoié exactement, vous verrez Monseigneur, que j’ay perdu beaucoup de Sauvages, que j’ay beaucoup de veuves et d’orphelins depuis cette guerre, j’en compte cependant cent quatre-vingt en état de porter les armes, je les ay trouvés dans une extrême pauvreté ; mes Sauvages étant de l’Acadie qui a esté le théâtre de la guerre, n’ont pu s’occuper au jardinage ni pour leur chasse ordinaire.

Ils ont esté de tous les partis et ont suivi tous les détachements j’ay obtenu de Monsieur Bigot que j’ay vu à Louisbourg des présens extraordinaires pour récompenser leur fidélité je leur ay distribués à mon arrivé à l’Acadie, et j’ay eu cette consolation de les entendre promettre une fidélité inviolable au Roy de France leur père. Je les ay trouvé bien zélés pour la religion catholique.