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produit. La rage avait rendu féroce. Tout ce qui était français était enveloppé dans cette haine qui ne, semblait pouvoir s’assouvir à moins d’une extermination complète. Cet état de choses, en exaspérant les esprits, facilita grandement les projets de Lawrence. Winslow avait subi l’influence de l’affolement général, et nous voulons bien, pour le juger, tenir compte de cela[1]. L’historien, plus que tout autre, est tenu à l’indulgence ; il a le devoir de juger les hommes et les choses en s’aidant des circonstances particulières à l’époque qu’il décrit. La guerre, c’est la haine. Du jour au lendemain, elle opère dans les esprits une transformation complète. En un instant, l’ardeur s’échauffe, le sang se réveille, l’ami devient l’ennemi. Une victoire met tout, un peuple en délire ; une défaite fait bouillonner le sang et monter la rage au cœur. En Amérique, l’effet en était intensifié par l’immixtion obligée de l’élément indien, avec les cruautés qui en étaient l’inévitable accompagnement. De part et d’autre, le peau-rouge était un auxiliaire recherché ; la guerre, c’était le guet-apens. Cette défaite de la Monongahéla, amenée par l’infatuation de Braddock, était particulièrement irritante, car aucune part n’avait été laissée à la valeur militaire, telle qu’on la comprenait en Europe[2].

    émanant de personnages de toutes conditions…[et qui] témoignent du désarroi intellectuel et moral qui régnait… » (Une colonieII, p. 154.)

  1. Dans les instructions de Lawrence à Murray (9 août 1755,) se trouve ce mot qui peint bien l’état des esprits à ce moment critique : « above all things keep from their knoledge (sic) the news relating to general Braddock. Surtout prenez garde qu’ils n’apprennent la défaite du général Braddock. » (Journal. N. S. H. S. vol. IV. P. 242.)
  2. Si l’auteur veut dire que la défaite de la Monongahéla est due à un simple guet-apens dans lequel tomba bêtement Braddock, il se trompe. Fiske, loc, cit., fait justice de cette légende. Sans doute, le grand tort du général anglais a été