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raient même pas d’être mentionnées, si elles n’étaient les seules que les annales aient enregistrées, et si la déportation ne leur avait donné un certain intérêt rétrospectif. Même quand, sous le régime d’Armstrong, des prêtres furent arrêtés et rudoyés, et que des chapelles furent fermées au culte divin, nous ne voyons pas pour cela que ces bonnes gens aient proféré de menaces ni qu’ils aient tenté de se révolter. Il n’en fut pas autrement dans la suite, malgré une oppression toujours grandissante, et malgré d’odieuses provocations, dont le dessein secret était d’exaspérer leur bonne volonté trop patiente, et de les pousser à des actes de nature à justifier leur expulsion.

Comme bien l’on pense, la fondation d’Halifax dut jeter l’inquiétude dans les centres acadiens. Un événement de cette importance ne pouvait manquer d’avoir pour eux, un jour ou l’autre, des conséquences sérieuses, et rien d’étonnant qu’ils l’aient envisagé sous toutes ses faces et longuement commenté. Évidemment, il s’agissait cette fois d’une entreprise préparée avec soin, d’une colonisation qui allait être menée avec vigueur. Qu’allait-il en découler pour eux ? Leur état actuel en serait-il changé ? Est-ce que cela finirait par troubler leur propre existence ? Qu’adviendrait-il dans l’avenir du libre exercice de leur religion ? Et n’irait-on pas jusqu’à confisquer tout ou partie de leurs terres ? Il est certes tout naturel de supposer que semblables questions, et d’autres encore, furent soulevées et discutées en petits comités, ou au sein des familles, dans les réunions du soir. Dans cette supputation des chances que pouvait leur réserver le sort, il nous paraît probable que les opinions pessimistes durent avoir le dessus généralement.

Donc, le 27 juin 1749, les treize vaisseaux portant la nouvelle colonie étaient entrés dans le port de Chibouctou. Or,