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Nous devrions demander pardon an lecteur de l’entretenir de ces puérilités, mais nous sommes forcé de les discuter avec un grand sérieux, car la déportation n’a pas eu d’autres motifs plus solides que ceux-là ; et, si elle est justifiable, elle doit pouvoir s’appuyer sur les accusations de son auteur.

Dans cette lettre que nous examinons, Lawrence ne parle encore que timidement de son projet de déportation, car c’est bien de cela qu’il s’agit, malgré tout le soin qu’il prend de voiler sa pensée. Il se contente de soumettre humblement son opinion que, si les Acadiens, qui possèdent les plus belles terres de la province, refusent de prêter le serment, il vaudrait mieux qu’ils fussent éloignés, it would be much better that they were away ; cependant, il se garderait bien d’entreprendre une tâche semblable sans l’approbation de leurs Excellences. N’en doutons pas, la déportation est déjà virtuellement décidée ; les moyens et la date seuls restent à fixer. Il ne s’agit plus, pour Lawrence, que de préparer les Lords du Commerce à une adhésion ante factum, s’il le peut, ou à l’acceptation du fait, une fois qu’il sera consommé, quitte pour lui à aggraver l’état des choses par de fausses représentations. La lettre susdite est donc une entrée en matière, un jalon dans la voie qu’il s’est tracée. Il n’espère pas, d’un seul coup, amener ses chefs à une mesure aussi cruelle que le serait la déportation ; aussi reste-t-il encore dans l’indéfini : il vaudrait mieux que les Acadiens fussent partis, fussent éloignés ; et c’est avec la plus humble déférence qu’il soumet sa volonté à la leur : je me garderais bien d’entreprendre une pareille tâche sans avoir l’approbation de vos Excellences. Pour l’instant, Lawrence n’a en vue que d’indisposer les Seigneurs du Commerce contre les Acadiens. En revenant habilement à la charge, il arrivera à ses