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Pour préparer les Lords du Commerce à ses perfides desseins, il lui fallait bien leur montrer la conduite des Acadiens sous les plus sombres couleurs : la lettre que nous venons de lire est le résultat de ses efforts en ce sens. Comme,

    passed the same day. H. 248. B. T. N. S. vol. 15. Ibid. October 14. Halifax. Lawrence to Lords of Trade. « His commission as Lieut.-Governor received.  » H. 263. B. T. N. S. vol. 15. — À cet endroit, le MS. original — fol 438 — porte la note suivante, au bas de la page :

    "Philip H. Smith, qui dans son ouvrage — Acadia — A lost Chapter in American History — fait preuve de tant d’impartialité et de pénétration, dit de cette lettre (de Lawrence) et des suivantes : «  The reader cannot fail to note the change in the tone of the letter sent to the Home Government relative to the French Neutrals. Lawrence proved himself the sort of ruler that was needed to carry out the harsh measure of the déportation ». (Preliminary to Expulsion. P. 175.) Et ici, une réflexion s’impose : Si vraiment la déportation n’avait pas été voulue, ou du moins volontairement et sciemment consentie par les autorités de la métropole, et par le Roi lui-même, comment expliquer que l’on eût confié le poste de lieutenant gouverneur, c’est-à-dire en fait le commandement suprême à ce Lawrence, dont les lettres faisaient assez voir pourtant que c’était là l’idée fixe, — déporter les Acadiens ? Pourquoi, si l’on ne partageait pas ses vues, ne pas briser dans la main de cet homme un pouvoir dont on prévoyait qu’il allait abuser ? Ou du moins, pourquoi ne lui a-t-on pas signifié carrément que sa nomination n’impliquait pas approbation de sa politique sur ce point essentiel, mais qu’au contraire on ne lui accordait une plus grande autorité que pour qu’il procédât avec plus de prudence et de justice ? — Or, les documents officiels ne contiennent rien de pareil. Bien loin de là. Car, au fur et à mesure que Lawrence développe et mûrit son plan fatal, il monte en grade, et c’est-à-dire qu’on l’élève dans la hiérarchie, et qu’on le met mieux en mesure d’exécuter ce qu’il a conçu. Et quand le crime aura été perpétré, et la race acadienne semée aux quatre vents de l’exil, ]’auteur de ce forfait sera nommé Gouverneur de la Province.

    Je le demande à tout homme de sens : s’il n’y a pas eu complicité entre Lawrence et le gouvernement de la Métropole, la « carrière » de cet homme demeure une énigme. Est-ce de la sorte que procèdent les grands pouvoirs à l’égard des instruments qui les compromettent ou les déshonorent, ou qui outrepassent leur mandat ? A-t-on jamais eu l’habitude, en aucun pays du monde, de combler d’honneur l’ambassadeur ou le représentant qui est infidèle à sa mission, on s’arroge des droits qui vont à l’encontre de l’autorité qui l’a délégué ? Surtout quand ces abus de pouvoir auront eu pour effet de fouler aux pieds les lois de l’humanité ?