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était allemande, elle parlait et parle encore l’allemand ; mais deux siècles de douce domination française l’ont tellement attachée à la France qu’elle se regarde comme exilée, depuis les tragiques événements de 1870 qui l’ont courbée sous le joug allemand ; elle soupire ardemment après son retour à la France, qui demeure sa vraie patrie[1]. La Corse, Nice, la Savoie, traitées comme des sœurs, ne firent jamais entendre un murmure. L’Arabe, réconcilié après une courte résistance, meurt pour la France sur tous les champs de bataille et se dispute l’honneur de défendre son drapeau. Les nationalités que la France s’incorpore deviennent françaises de cœur et d’esprit[2].

Pendant que la France agissait sous le mobile des senti-

  1. C’est par le traité de Westphalie, 24 octobre 1648, que l’Alsace fut cédée à la France, « si l’on peut appliquer la simplicité de ce mot cession à une opération confuse ».

    Cf. Hist. de France, Lavisse. Tome Septième. i. Livre ier, ch. i, p. 17. Cf. L’Alsace à la veille de la Délivrance, par M. l’abbé E. Wetterlé, dans la Revue des Deux Mondes du 1er août 1917.

  2. « C’est un lieu commun de comparer, par exemple, en matière coloniale, l’esprit de synthèse, d’assimilation et de composition qui anime la civilisation latine à l’esprit destructeur ou séparateur des races saxonnes. Le Saxon détruit l’indigène ou l’isole ; le dernier mot de ses concessions est exprimé par le régime contractuel, plus ou moins égalitaire, dans lequel vivent les races soumises à la maison de Habsbourg. Il affronte l’étranger, le heurte et le balance, dans un équilibre immobile qui peut durer éternellement. Mais l’esprit latin est artiste. Il est inventeur et poète. Il ne cesse jamais de faire et de créer. Toujours il s’ingénie, il calcule ou il rêve en vue de préparer ou de combiner des choses nouvelles. De cette race indienne que l’Anglo-Saxon se contenta d’abrutir avant de la massacrer, son industrie tira par alliance et métissage un type humain de grand avenir dans l’Amérique centrale et méridionale. D’ailleurs, n’a-t-il pas extrait la Germanie d’elle-même, c’est-à-dire de la sauvagerie et de la barbarie ? Ne lui a-t-il pas dispensé tous ses biens : religion, institutions, industrie, arts et lois, souvent même langage ? »

    Charles Maurras. Quand les Français ne s’aimaient pas.

    (2e édition. Nouvelle Libr. Nationale. Paris, 1916, page 222, note).