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sommes satisfaits ; notre sort est à peu près ce que nous voulons le faire nous-mêmes. Cependant, après cent quarante ans, nous aimons la France comme au jour de la séparation d’avec elle. Formons-nous exception à la règle ? Les Anglais éprouveraient-ils les mêmes sentiments s’ils étaient dans une situation analogue à la nôtre ! À peu de chose de près, la nature humaine, dans ses grandes lignes, est la même partout. L’Angleterre, qu’elle qu’en soit la cause, a toujours su ménager ses ressources et rester maîtresse de ses conquêtes ; et surtout, elle n’a jamais été dans la triste nécessité d’abandonner ses enfants à l’ennemi.

L’attachement que nous portons à la France semble étonner nos compatriotes anglais ; ils paraissent croire que l’amour national est comme un meuble que l’on déplace à volonté et qui reste sans lien avec le lieu qu’il a d’abord occupé. Est-ce de leur part irréflexion ou étroitesse d’esprit ? Est-ce parce que l’anglais n’a jamais connu, par son expérience personnelle, la position dans laquelle nous sommes ! Est-ce parce que les délicatesses du sentiment sont moins affinées chez lui que chez nous ?

Que l’on se représente par la pensée la province de Québec redevenue colonie française : la population anglaise qui

    nées à cet égard ? Gambetta a bien dit que « l’anticléricalisme n’était pas un article d’exportation ». Toutefois, l’on se demande avec anxiété ce que fut devenue l’Église du Canada, sous un régime tel que celui de la troisième République, par exemple ?

    Voici un passage d’une lettre de notre ami, Monseigneur Mathieu, de Régina (Saskatchewan,) qui confirme ce que Richard dit ici : « Je suis un optimiste et je trouve idéal notre état social. Tout changement, d’après moi, serait un désastre pour nous, canadiens-français. Dans cet immense tout de l’Amérique du Nord, nous serions (avec l’annexion,) nous serions enfouis, engloutis, anéantis. Maintenant, au contraire, nous jouons un rôle au Canada, on est obligé de nous regarder comme un facteur important, nous jouissons d’une liberté parfaite, et