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timent avec le vague espoir que leurs services ne seraient ni nécessaires ni exigés. Mais ce qu’ils n’eussent jamais sacrifié, — et là était pour eux le point essentiel, — c’était leurs intérêts religieux qu’ils croyaient menacés irrémédiablement par l’abandon de ce contrat de neutralité ; et, effectivement, des restrictions dangereuses et des projets que les Acadiens ne pouvaient ignorer, prouvaient que ces intérêts spirituels couraient de très grands périls.

Jamais population ne se trouva dans une situation aussi désespérément critique. Les Français et les Anglais étaient trop engagés dans le conflit qui se préparait pour se préoccuper sérieusement des sentiments des Acadiens et les prendre en pitié. En sorte que ceux-ci, étant donné leur esprit de soumission, n’avaient de ressource que dans la force de leur droit. Naïvement, ils devaient croire que la justice finirait par prévaloir. Mais l’audacieux intrigant qui succédait à Hopson allait cruellement les désabuser.

Cette répugnance invincible à porter les armes contre les Français, nous pouvons, nous, Canadiens-Français et Acadiens, l’apprécier et en parler avec autorité, car, pour le faire, nous n’avons qu’à consulter nos propres sentiments.

Nous estimons l’Angleterre, et ses institutions, desquelles nous bénéficions ; nous admirons son génie créateur, la sagesse de ses hommes d’État, la clairvoyance de ses desseins et la constance qu’elle met à en poursuivre l’exécution. Nous l’avons servie avec fidélité ; nous le ferions encore. Nous avons joui, sous sa loi, de plus de liberté que nous n’en eussions eue en restant sous la domination de la France[1]. Nous

  1. L’auteur d’Acadie aurait pu ajouter qu’au point de vue de la liberté religieuse, en particulier, nous avons beaucoup gagné à changer d’allégeance. Qui sait le contre-coup que la Révolution Française aurait pu avoir sur nos desti-