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en pareille occurrence, n’a rien qui doive surprendre. Un siècle et plus s’était écoulé depuis que leurs pères avaient ouvert le pays ; plusieurs générations s’étaient assises au même foyer. Tout ce qui rend la vie chère à l’homme, surtout à l’homme des champs, aux cœurs simples et droits, ils l’avaient là sous leurs yeux. C’était leur patrie, la patrie de leurs aïeux, laquelle leur était d’autant plus précieuse qu’ils l’avaient en quelque sorte fondée et créée de toutes pièces. Chaque coteau, chaque vallon, chaque coin de terre de ces riants paysages, contenait un lambeau de leurs souvenirs. Ces prés fertiles qui nourrissaient leurs nombreux troupeaux, leurs pères et eux les avaient arrachés à la mer par des travaux patients et pénibles. Cette église, où ils venaient chaque dimanche s’agenouiller, avait été témoin des seuls événements importants de leur vie simple et paisible. Ce cimetière renfermait la dépouille de leurs parents, et redisait par ses inscriptions l’humble histoire de ceux qui les avaient précédés. Que de pensées déchirantes durent les assaillir à l’idée d’un départ ! Partir ! c’était dire un éternel adieu à la patrie, à tout ce qu’ils aimaient et avaient aimé ; c’était abandonner l’aisance, les joies du foyer adoré, pour accepter l’exil, la séparation, la misère ! Comme l’a dit le poète :

« Chères leur étaient leurs maisons natales
Où leurs morts vénérés avaient dormi,
Où, de chaque côté, s’étendaient, riches et larges,
Les prairies fertiles… »

[1]

  1. « Dear were the homes where they were born,
    Where slept their honored dead.
    And rich and wide, on every side,
    Their fruitful acres spread. »

    De qui sont ces vers ? L’édition anglaise, tome premier, p. 329, n’en dit rien. Le MS. original, — fol. 405 — qui les cite tels que ci-dessus, porte entre paren-