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passer d’eux, ou de les remplacer même si d’autres colons étaient mis en leur lieu[1]. »

Pareil langage pouvait-il s’appliquer à une population turbulente, dangereuse, prête à la révolte ? Évidemment non. Et cependant la période que nous venons de traverser a été plus agitée que celle qui va suivre, et qui précède immédiatement la déportation. Nous sommes en 1753 ; deux années nous séparent du terrible événement. Cette période, disons-nous, a été agitée, car jamais rien de plus grave n’eut lieu dans toute l’étendue de la péninsule ; et nous le prouverons de manière à convaincre quiconque est susceptible de l’être, sans rien taire et sans sortir des documents officiels. Or, qu’était cette agitation ? Sous quelle forme s’est-elle manifestée ? Elle a tout simplement consisté en des réunions paisibles d’hommes qui discutaient la situation qui leur était faite, d’humbles paysans qui pesaient le pour et le contre de l’alternative qui leur était soumise. Cette agitation, si agitation il y a eu, dura quelques mois, une année tout au plus, la première du gouvernement de Cornwallis. L’on ne voit nulle part que ces assemblées aient été séditieuses ni même tumultueuses ; au contraire. Lorsqu’ils eurent choisi l’alternative de quitter le pays, les Acadiens allèrent immédiatement en informer le gouverneur et lui en demander la permission. Avant de leur donner une réponse, on les obligea à ensemencer leurs terres ; ils le firent sans murmurer ; ils opérèrent les semailles, alors qu’ils pensaient bien que d’autres récolteraient les moissons. Ces travaux finis, ils retournèrent chercher la réponse promise ; de nouveau, on la remit à plus tard, les congédiant avec de

  1. Lettre du 10 décembre 1752, déjà citée.