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« Comme ils semblent mieux disposés qu’ils n’étaient alors, et comme j’espère qu’ils vont s’amender encore, et, avec le temps, devenir moins scrupuleux sur ce chapitre, je désirerais savoir de vos Seigneuries si sa Majesté approuverait que je garde le silence là-dessus jusqu’à ce qu’une occasion plus favorable se présente.

« M. Cornwallis sera à même de vous représenter combien ces gens nous sont utiles et même nécessaires, comme il nous est impossible de rien entreprendre sans eux, ou de nous passer d’eux même avec d’autres colons pour les remplacer ; il pourra aussi vous exposer l’obstination que les Acadiens ont montrée chaque fois qu’il a été question du serment. »

Il semble évident, par cette lettre, que Cornwallis était revenu de ses impressions premières, et qu’il partageait la manière de voir de Hopson sur les procédés à adopter envers les Acadiens. Comme il est facile, en la lisant, de juger que l’on se trouve en présence d’un homme dont le caractère, à fond de bienveillance, s’unit à un esprit calme et réfléchi ! Il ne peut et ne veut blâmer son prédécesseur, mais il ne laisse pas moins entendre que la partie a été gâtée, qu’il faudra du temps et des égards pour ramener la confiance ébranlée et faire tomber les scrupules que le serment exigé inspire. Il n’est pas étranger aux sentiments que les Acadiens éprouvent ; il s’est mis à leur place, et semble ressentir leurs propres impressions. Il est descendu dans son âme pour y interroger là-dessus sa propre conscience, et son cœur lui a répondu qu’il ne pourrait non plus se résoudre facilement à porter les armes pour des étrangers contre des frères, pour les ennemis de sa religion contre des coreligionnaires, pour ceux dont il ne comprend pas le langage contre ceux avec qui il échange familièrement ses idées. Et voilà pourquoi il voit devant lui un long espace de temps,