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de trois cents livres. Sur ce, Paul Laurent se leva, et dit qu’il donnerait lui-même l’argent et me scalperait, car son père avait été pendu à Boston, Mon maître lui répondit : scalpe-le donc et paie la somme tout de suite. Laurent mît sa main dans sa poche et en tira un couteau ; il y avait là un officier appartenant au fort français de Chignecto ; il se tenait à ma gauche ; quand il vit le couteau et s’aperçut que l’Indien allait m’en frapper, il me donna une violente poussée qui me rejeta trois ou quatre pas en arrière et me fit tomber à la renverse. Les femmes se mirent à pousser des cris, pensant que j’avais été mortellement atteint : les fils de Jacques Morrice[1]me prirent et me portèrent dans une petite chambre où je perdis connaissance. Quand je revins à moi, la femme de Jacques Morrice me donna un verre de vin et me demanda si j’étais blessé ; je lui répondis que non. Et aussitôt elle alla vers un coffre d’où elle tira un sac de pièces de 6 livres ; elle en compta cinquante, ce qui fait trois cents. Jacques Morrice appela mon maître et lui dit de compter l’argent, ce qu’il fit. M. Morrice lui demanda quelle somme il y avait. Il répondit : 300 livres ; alors Jacques de dire : « cet argent est à vous ; prenez-le ; mais l’homme m’appartient. » L’Indien versa l’argent dans son chapeau. Alors Morrice lui dit : « qu’aucun d’entre vous ne vienne près de ma maison ni ne moleste cet homme, car je lui briserai les os. »

« … Je demandai… à Jacques Morrice s’il voulait accepter mon billet (reconnaissant ma dette envers lui et promet-

  1. Dans le M S. fol. 382. — Richard écrit non « Morrice », mais « Maurice », que c’était un « acadien nommé Jacques Vigneau dit Maurice ». Nous suivons l’orthographe du journal, où d’ailleurs le nom de Vigneau n’est pas mentionné. Murdoch, qui écrit Morris, dit également qu’il était un « habitant français ». (Vol. 2, ch. XVI, p. 222).