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emples de la tromperie anglaise furent racontés et transmis d’une tribu à l’autre, du cap Breton jusqu’au Lac Supérieur, et dans les années qui suivirent ces trahisons furent payées de la même monnaie. »

Ce ne sera pas un hors d’œuvre de rappeler ici la fin tragique du Père Rasle, qui pendant trente ans, avait été missionnaire sur la rivière Kennebec[1] :

« Ce missionnaire, a dit Smith, était un homme accompli, et sa vie fut, à la lettre, un long martyre. Correspondant et ami du gouverneur du Canada, il passait, aux yeux des anglais, pour être l’instigateur des hostilités que les Indiens commettaient. Le village où ces derniers habitaient fut enlevé d’assaut ; le Père Rasle, dans l’espoir de détourner sur lui l’attention des ennemis et de sauver son troupeau bienaimé par l’offrande volontaire de sa propre vie, tomba mort avec sept indiens qui avaient accouru pour lui faire un rempart de leurs corps. Quand la poursuite eut cessé, les Indiens revinrent chercher la dépouille de leur missionnaire, qu’ils trouvèrent étendue au pied de la croix du village, criblée de balles, la chevelure enlevée, le crâne brisé à coups

  1. Le Père Sébastien Rasle, S. J., natif de la Francbe-Comté, était venu en Canada avec Frontenac, en 1659. Après avoir été missionnaire dans l’Ouest jusqu’aux Illinois, il prit charge, en 1693, des Indiens de Norridgewock, et demeura avec eux jusqu’à sa mort, arrivée en 1724. Il était très versé dans les langues sauvages, possédant couramment trois dialectes algonquins ; il a laissé un dictionnaire de la langue abénaquise. Il avait une grande influence sur les Indiens, dont il connaissait à fond le caractère. En 1724, une force anglaise d’environ 200 hommes remonta la rivière Kennebec, prit d’assaut le village de Norridgewock, massacrant plusieurs de ses défenseurs et dispersant le reste. Au cours de cet engagement, le Père Rasle fut tué. (Cf. John Fiske. New France and New EngJand, p. 215 et seq.) La mort de Rasle eût lieu en août ; c’est un lieutenant, du nom de Jaques, qui le tira à la tête et le tua, malgré les ordres que Moulton, l’un des commandants de l’expédition, avait donnés, de respecter sa vie. (Cf. Murdoch. I, ch. XLVI, p. 411 et seq.) Casgrain, Les Sulpiciens etc.,