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qu’ils abdiquent leur rôle pour entrer dans les conflits humains. Les menées de ce missionnaire pour faire émigrer les Acadiens auraient dû cesser, dès l’instant qu’il rencontrait de leur part une forte résistance ; et puisque ceux d’entre eux qui résidaient près de la frontière s’opposaient à ses projets, il semble qu’il n’eût dû rien espérer de ceux que l’éloignement à l’intérieur du pays plaçait en dehors de ses moyens d’action. Ses efforts et ses machinations ne pouvaient qu’aggraver une situation déjà assez pénible.

Bien que les Acadiens, ainsi que nous le verrons, n’aient jamais rien fait qui justifiât leur déportation, ni qui méritât aucune sévérité comparable, de près ou de loin, à celle-là, néanmoins, lorsqu’on fait le compte des responsabilités, les Acadiens ne peuvent fermer les yeux ni oublier que la conduite de la France à leur égard a été impolitique, cruelle et égoïste ; qu’en avivant contre eux des préjugés et des antipathies elle a occasionné les malheurs qui ont suivi[1].

La lettre suivante de l’Évêque de Québec à Le Loutre fait bien voir ce que l’autorité religieuse pensait alors des agissements de ce missionnaire :


« Vous êtes enfin tombé précisément dans le trouble que j’avais prévu, et que j’ai prédit depuis longtemps. Les ré-

  1. Étrange réflexion ! Les rôles sont en quelque sorte renversés. Ce n’est plus l’Angleterre qui a opéré la déportation des Acadiens, mais la France. Ou plutôt la déportation a été la conséquence nécessaire de principes posés par la France, la suite fatale de sa conduite envers les Acadiens. Et l’Angleterre ne pouvait guère agir autrement qu’elle n’a fait ; elle a été emportée, comme malgré elle, par un flot que la France avait été la première à déchaîner Voilà certes une manière de voir assez originale, pour ne pas dire paradoxale. Nous osons la qualifier d’injuste et de malheureuse : injuste, puisqu’elle est contre-