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pour leur propre compte, mais qui le plus souvent y étaient poussés par l’une ou par l’autre. Même quand les sauvages agissaient de leur propre mouvement, l’on soupçonnait, d’un côté ou de l’autre, qu’ils obéissaient à des suggestions intéressées. Tel acte d’hostilité commis sur les Grands Lacs était vengé plus tard dans la Nouvelle-Angleterre ou la Nouvelle-Écosse, et vice-versa. Au point de vue du nombre, la France était bien inférieure à sa rivale. Le concours des Indiens était donc pour elle une nécessité d’où dépendait son avenir colonial. Aussi voyons-nous qu’elle cultiva toujours, plus assidûment et avec plus de succès, leur amitié[1]. Son moyen d’action sur eux le plus puissant était le missionnaire. Tandis que celui-ci, détaché du monde, s’enfonçait dans la forêt pour suivre les sauvages dans leurs expéditions de chasse, de traite ou de guerre, partageant leurs privations, s’associant à leur vie et à leurs intérêts ; le ministre protestant, retenu par les liens de la famille, ne pouvait exposer ceux qui lui étaient chers aux duretés d’une pareille existence ni à un pareil contact avec ces barbares ; il restait donc confortablement chez lui. Seul le missionnaire catholique avait assez d’abnégation surnaturelle et se sentait assez libre de toute affection terrestre pour aller leur porter la lumière de l’évangile et les initier à la civilisation, et cela au prix des sacrifices personnels les plus considérables.

  1. L’auteur d’Acadie omet d’indiquer la vraie raison pour laquelle les sauvages s’attachèrent plutôt aux Français qu’aux Anglais, et cette raison est d’ordre psychologique, elle tient à l’essence même du caractère français. Les Français se montrèrent toujours à l’égard des indigènes plus humains, plus loyaux, plus désintéressés que les Anglais, ils s’occupèrent de leur âme pour l’initier aux vérités du christianisme, d’où la sympathie qu’éprouvaient naturellement ces barbares à leur endroit. Tandis que les Anglais ne cherchaient qu’à les exploiter pour des fins de commerce ou de guerre.