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resseusement tout au fond de son lit ; mais à marée haute, elle se changeait en un torrent opaque qui la remplissait jusqu’au bord et se serait même déversé, s’il n’eut été contenu par des digues. Derrière la digue, sur la rive opposée, se tenait le soi-disant officier, agitant son drapeau pour signifier qu’il désirait avoir une entrevue. En fait, ce n’était pas un officier, mais l’un des sauvages de Le Loutre en uniforme d’officier, Étienne le Bâtard, ou, comme d’autres disent, le grand chef Jean-Baptiste Cope. Howe, portant un drapeau blanc, et accompagné de quelques officiers et hommes, s’achemina vers la rivière pour écouter ce que l’autre pouvait avoir à lui dire. Comme ils approchaient, l’aspect et le langage de cet homme éveillèrent leurs soupçons. Mais il était trop tard ; car un parti d’Indiens, qui s’étaient cachés derrière la digue pendant la nuit, tirèrent sur Howe et le blessèrent mortellement. Ils continuèrent à tirer sur ses compagnons, sans cependant pouvoir les empêcher de traîner le mourant jusqu’au fort. Les officiers français, indignés de cette vilaine action, n’hésitèrent pas à en rendre Le Loutre responsable : car, ainsi que le dit l’un d’entre eux : « De quoi un mauvais prêtre n’est-il pas capable[1] ? »

L’on comprendra l’intérêt tout particulier que nous avons mis à tâcher de pénétrer le fond de cette lugubre tragédie, puisqu’il s’agit ici de l’un de nos ancêtres ; et malgré cela, il nous reste encore bien des doutes sur l’interprétation qu’il serait le plus acceptable d’en donner. Nous ne saurions, certes, avancer là dessus une version quelconque avec la belle assurance qui distingue Parkman. Nous croyons

  1. Montcalm and Wolfe. Vol. I, ch. IV. Conflict for Acadia P. 123-4.