Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taient aux séductions et aux menaces pour rester fidèles à leur seraient, et que l’Acadie, seulement défendue par une poignée de soldats, était à leur merci, que n’avaient-ils pas à craindre, maintenant qu’Halifax existait ? Cornwallis n’avait-il pas signalé son arrivée par une Proclamation qui abolissait la convention de 1730, et réduisait à néant les assurances de bon vouloir que Sa Majesté avait signifiées aux Acadiens, par l’intermédiaire de son secrétaire d’État, le Duc de New-Castle[1] ? Plus loin, dans le passé, l’idée d’une déportation possible n’avait-elle pas déjà été émise ! Cette idée n’avait-elle pas été reprise par l’amiral Knowles, et par Shirley lui-même, — et cela sans une ombre de raison, sans motif propre à la justifier ? — Tout ceci réuni, et encore que Le Loutre n’ait connu peut-être qu’une partie de ce qui se tramait dans le secret des chancelleries, — n’était-il pas suffisant pour émouvoir profondément son âme de prêtre et de patriote ? Non seulement ce missionnaire était justifiable de concevoir des appréhensions, mais tout nous fait croire qu’il avait raison d’en entretenir ; les faits sont là, pour montrer que ses craintes n’étaient que trop fondées. Et alors, nous n’avons qu’à nous rappeler l’ardeur de sa foi apostolique, et à lui supposer un tempérament bouillant, pour avoir l’explication naturelle de toute sa conduite, sans qu’il soit besoin de lui prêter, par un effort d’imagination, un caractère de fantaisie qui ne repose sur rien de solide.

Quelqu’éloigné que l’on soit des idées de celui que l’on veut juger, il est nécessaire, pour se prononcer sur lui avec quelque précision, de faire abstraction de sa propre menta-

  1. Il y a eu deux Proclamations de Cornwallis, ainsi que nous l’avons vu.