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la campagne, environ à dix lieues de Paris. Elle épousoit un homme fort riche : comme il avoit long-temps désiré l’heureux moment d’être à elle, cet amant comblé de joie vouloit rendre ses noces brillantes et préparoit des fêtes pour les célébrer. Henriette, invitée à partager les plaisirs qu’on se promettoit de goûter dans des lieux consacrés à l’amusement, exigea de la complaisance d’Ernestine qu’elle l’accompagnât dans ce court et agréable voyage. Elle s’en défendit, mais elle céda enfin aux instances de son amie. Avant de partir, elle chargea madame de Ranci de lui envoyer ses lettres par un exprès : mais plusieurs jours s’écoulèrent sans qu’Ernestine reçût aucunes nouvelles ni d’elle ni du Marquis.

En menant son amie à la campagne, mademoiselle Duménil n’avoit pas songé que de toutes les dissipations, la moins capable de la distraire était le spectacle dont elle la rendoit témoin. « On donne peut-être les mêmes fêtes chez le maréchal de Saint-André, disoit Ernestine en soupirant ; mais une joie si douce ne remplit pas le cœur du Marquis ; il n’aime point, il ne jouit pas des plaisirs où se livrent ces heureux amants. Cependant il ne m’écrit plus ! Croyez-vous, demandoit-elle à Henriette, qu’il cesse de m’écrire ? me privera-t-il de la seule consolation qui me reste ; ah ! sans doute il m’en privera ? il ne pensera plus à moi, il ne s’informera seulement pas si j’existe encore : n’importe, il me sera toujours cher ; mes sentimens pour lui m’occuperont sans cesse ; jamais, jamais je ne perdrai l’idée du marquis de Clémengis ; et si le temps peut faire que je songe à lui sans