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ne le verrai plus ! Il va s’unir à l’heureuse épouse qu’on lui destine. Il me dit de vivre paisible, heureuse ; ah ! comment serai-je paisible loin de lui, heureuse sans lui » ? Elle passa tout le jour à s’affliger, à se plaindre du Marquis. « Quelle dureté, s’écrioit-elle ! A-t-il pu partir sans me voir, sans me parler, sans mêler ses larmes avec les miennes » ! Elle pleuroit, elle écrivoit, déchiroit ses lettres commencées, s’abîmoit dans sa douleur, reprenoit sa plume et la quittoit encore. Son agitation, la violence de ses transports l’accablèrent enfin ; elle fut malade, abattue, languissante pendant plusieurs jours : mais les lettres du Marquis, les représentations de madame de Ranci, le retour de mademoiselle Duménil, ses soins, son amitié, ramenèrent un peu de calme dans son ame. Elle s’accoutuma à se dire, à se répéter que jamais elle n’avait rien espéré ; elle cessa de se plaindre de son sort ; elle voulut s’y soumettre, et chercha dans sa raison la force de supporter ses peines avec résignation.

Deux mois s’écoulèrent, pendant lesquels le marquis de Clémengis écrivoit régulièrement à son aimable amie. Il ne lui disoit point si ses nœuds étoient serrés ; elle n’osoit le demander : elle craignoit de l’apprendre ; mais elle devoit bientôt être éclaircie du destin de monsieur de Clémeogis, et sentir par une triste expérience, combien on éprouve de douleur pendant le cours de ces attachemens trop tendres, où le cœur se livre avec tant de plaisir, qui lui paroissent la source d’un bonheur si vif et si constant.

Une parente de mademoiselle Duménil se marioit à