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» Je croyois jouir plus long-temps de ma liberté. On devoit attendre la décision du parlement. L’incertitude de mes droits sur une riche succession, sur d’immenses arrérages, retardoit le consentement du maréchal de Saint-André. La libéralité de mon oncle me désole en ce moment ; une donation m’assure tous ses biens, je n’ai plus d’espoir.

» Vous prierai-je de m’oublier ? non, oh ! non, je ne puis souhaiter d’être oublié de vous, je ne puis désirer de vous oublier ! vous serez toujours présente à mon idée, toujours chère à mon cœur ; je penserai sans cesse à vous : je vous écrirai ; je vous entretiendrai de mon estime, de mon amitié, et malgré moi, peut-être, de ma tendresse ; je ne vous la rappelerai point pour vous presser de la partager encore, mais pour vous prouver que le temps ne peut ni l’affoiblir ni l’éteindre.

» Vivez paisible, vivez heureuse ; que le souvenir d’un sincère, d’un véritable, d’un constant ami, vous arrache quelquefois un soupir : mais que ce soupir soit tendre et non pas douloureux… Je ne puis retenir mes larmes ; elles s’échappent de mes yeux, elles effacent ce que j’écris. Ô ma généreuse amie ! vous en répandrez sans doute ; puissent-elles n’être pas aussi amères que les miennes ! Je vous aime, je vous adore, je vous fuis, je vous perds, je suis le plus infortuné de tous les hommes. »

De quels mouvemens cette lecture agita le cœur de la sensible Ernestine ! Elle l’interrompit cent fois pour laisser un libre cours à ses pleurs, à ses soupirs, à ses gémissemens. « Il part, disoit-elle, il me fuit, je