Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’ai suivi des conseils prudens : mais je ne vous fuis point, je ne prétends pas élever une barrière entre vous et moi ; prête à quitter cet asile, si vous le voulez, je soumets ma conduite à votre décision. Si, pour sauver vos jours, il faut me rendre méprisable, renoncer à mes principes, à ma propre estime, peut-être à la vôtre ! je ne balance point entre un intérêt si cher et mon seul intérêt. Ordonnez, Monsieur, du destin d’une fille disposée, déterminée à tout immoler à votre bonheur : mais avant d’accepter un si grand sacrifice, permettez-moi de remettre dans vos mains tous les dons que vous m’avez faits : les garder, en jouir, ce seroit laisser croire que vous m’aviez enrichie pour me perdre, sauvons au moins votre honneur, une légère partie du mien : qu’on ne m’impute jamais la bassesse d’avoir reçu le prix de mon innocence. À ces conditions, Monsieur, la tendre, la malheureuse Ernestine tiendra la conduite que votre réponse lui prescrira. »

« Ah ! grand Dieu ! s’écria le Marquis en finissant de lire, ai-je pu porter cette charmante fille à m’écrire ainsi ? quelle étrange proposition ? mais que de bonté, de tendresse, de générosité dans cet abandon de ses principes, d’elle-même ! Aimable Ernestine ! qui, moi, je t’avilirois ? j’abuserois de ton amour, de ta noble confiance… ah ! tu n’as rien à craindre de ton amant, de ton ami, de ton reconnoissant ami. Périsse l’homme injuste et cruel, qui ose fonder son bonheur sur la condescendance d’une douce, d’une sensible créature, capable de s’oublier elle-même, pour le rendre heureux. »