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mité de ces entretiens, avec une patiente indulgence. Les chagrins du Marquis, sa pâleur, son abattement, élevoient des craintes dans son âme ; elle trembloit pour des jours si précieux. « Je ne vous importunerai bientôt plus, lui disoit-il, les yeux baignés de pleurs ». Elle commença à se repentir d’une complaisance dont elle n’avoit point prévu les suites. « Mon imprudence vient d’irriter une passion si long-temps réprimée, répétoit-elle à madame de Ranci, je n’en connoissois encore que les douceurs, j’en éprouve à présent toutes les amertumes ». Cette femme, alarmée du danger de sa jeune amie, la pressoit de retourner à Montmartre. Ernestine y consentit : mais avant de partir elle écrivit à M. de Clémengis, et lui envoya sa lettre par un exprès, à l’instant même où elle rentroit au couvent ; il l’ouvrit avec empressement, et sa surprise fut extrême d’y trouver ces paroles :

Lettre d’Ernestine.

« Quelle douleur pour moi, Monsieur, d’exciter vos plaintes, de m’accuser de toutes vos peines, de me reprocher l’état affreux où vous êtes ! Eh quoi ! c’est donc moi qui vous afflige ? puis-je le croire, puis je m’en assurer, quand votre bonheur est l’objet, l’unique objet de tous les vœux de mon cœur ? Hélas ! par quelle fatalité ce bonheur semble-t-il dépendre aujourd’hui de l’égarement d’une fille que vous respectiez autrefois ! Soyez juge dans votre propre cause, dans la sienne, et prononcez entre votre cœur et le mien.

» Ma réserve vous blesse ? Eh Monsieur ! m’est-il