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Cette parole, donnée à mademoiselle Duménil, embarrassa bientôt l’aimable et tendre Ernestine. Le Marquis alloit revenir ; il la conjuroit de rester chez elle, de passer l’automne à la campagne, de lui permettre de la revoir encore avec une liberté dont elle ne devoit pas craindre qu’il abusât ; la présence de madame de Ranci suffisoit, disoit-il, pour la rassurer contre de malignes observations ; la même prière se renouveloit dans toutes ses lettres, il la pressoit avec ardeur, il sembloit que tout son bonheur dépendît d’obtenir d’elle cette grâce.

La faible Ernestine ne put se défendre de lui accorder une faveur si vivement demandée : « Je lui dois tout, disoit-elle à madame de Ranci, ne ferai-je rien pour lui ? en résistant à ses désirs, je m’accuse d’ingratitude : est-ce à moi de l’affliger ? Ah ! dans tout ce que l’honneur ne me défend pas, pourquoi ne céderois-je point à ses volontés ? pourquoi sacrifierois-je à la crainte d’être injustement soupçonnée, la douceur véritable de lui causer de la joie ? Vous me soutiendrez contre moi-même, vous daignerez remplir à mon égard les devoirs d’une mère tendre et vigilante, vous ne me quitterez point ; témoin de ma conduite, vous me justifierez auprès d’Henriette : eh ! que m’importe le reste du monde ? l’estime de mes amis, la mienne, suffisent à ma tranquillité ». Madame de Ranci combattit en vain une résolution déterminée, et M. de Clémengis eut le plaisir de retrouver Ernestine à la campagne, et de s’assurer qu’il devoit sa complaisance à l’amour.

Il en jouit pendant plusieurs jours, sans paroître