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Ernestine éprouva de l’ennui dans sa retraite : elle désira d’aller à la campagne, de revoir, d’habiter cette agréable demeure, présent de son amant, préparée, embellie par ses soins. Henriette lui représentait qu’elle ne devoit pas y vivre seule ; cette difficulté chagrinoit Ernestine, le hasard la leva, un événement où son bon cœur l’intéressa, lui fit trouver une compagne.

Madame de Ranci, âgée de trente-six ans, belle encore, aimable et malheureuse, retirée depuis trois ans à l’abbaye, s’étoit attachée à montrer de la complaisance et de l’amitié à la jeune Ernestine : veuve, et réduite à la plus grande médiocrité, par des accidens fâcheux, il lui restoit seulement une petite rente sur un particulier ; cet homme, manquant de bonheur ou de conduite, dérangea ses affaires ; pressé par ses créanciers, il prit la fuite, passa en Hollande, et livra madame de Ranci à toutes les horreurs de l’extrême pauvreté.

Ernestine, élevée, soutenue, enrichie par la tendre compassion de ses amis, se plaisoit à répandre sa libéralité sur tous ceux qui lui offroient l’image de son premier état ; son cœur, toujours ouvert aux cris de l’indigent, cherchait à rendre à l’humanité les secours qu’elle-même en avoit reçus.

Pénétrée du malheur de madame de Ranci, elle prit des mesures avec mademoiselle Duménil, pour faire passer sur la tête de cette femme désolée, le petit héritage de madame Dufresnoi, et ce qu’elle y ajouta, remplaça sa perte, et même étendit un peu son revenu. La reconnoissance se joignant à l’amitié