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Ernestine prit une plume, et d’une main tremblante, elle traça ces mots :

« On vient de m’apprendre que je ne dois à madame Duménil ni égards, ni reconnoissance : ne me cherchez plus chez cette femme ; je la quitte pour jamais. Vous, qui depuis un an, jouissez de mon amitié, de mon estime, de ma plus tendre affection, êtes-vous un homme perfide ? Si vous pouvez justifier vos intentions aux yeux d’une fille respectable, venez chez mademoiselle Duménil ; je vous y attends avec crainte, avec impatience ; je désire, j’espère, je crois que vous êtes digne de mes sentimens : ah ! venez le prouver à mon amie, à ma seule amie, si vous m’avez trompée » !

M. de Clémengis arrivoit de Versailles et se proposoit d’aller chez Ernestine, quand le laquais de mademoiselle Duménil lui remit ce billet. Il obéit sans hésiter, et parut bientôt devant Henriette, avec cette noble assurance que donne la certitude de n’avoir jamais enfreint les lois de l’honneur.

En entrant, il parut surpris de la voir seule. Ernestine venait de passer dans un cabinet d’où elle pouvoit l’entendre. Pour la première fois, éprouvant à l’approche du Marquis, une émotion où le plaisir ne se mêloit pas, elle craignit sa présence, et sentit le désir de lui cacher les mouvements de son cœur.

En jetant les yeux sur M. de Clémengis, mademoiselle Duménil devint plus indulgente encore pour la tendre foiblesse de son amie. Comment une figure si charmante n’auroit-elle pas fait la plus vive impression sur une personne si jeune, si peu en garde contre les passions, si accoutumée à suivre les seules