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amie ; ne vous offensez pas de mes plaintes : je suis foible, et peut-être injuste ; la douleur oppresse mon âme, abat mes esprits, je ne me connois plus. Ne me dites point de retourner chez celle qui m’a trompée ; je me livre à vous, à vos conseils, à vos lumières, à votre amitié ! Ah ! je ne regrette point l’aisance où je vivois, la fortune que j’abandonne ! mais cet aimable ami, si tendre, si sincère ; imprudent à vos yeux, mais respectable aux miens ; cet ami, dont la main généreuse me combloit de biens sans se laisser apercevoir, sans rien exiger de ma reconnoissance ; cet ami si cher, si digne de mon estime, de mon attachement, qui s’est fait une douce habitude de me voir, de me parler, d’être avec moi ! faut-il l’affliger, le fuir, le quitter durement, l’inquiéter, lui causer les mêmes peines que je sens » !

« Non, ma chère Ernestine, il ne le faut pas, reprit mademoiselle Duménil ; il faut au contraire le voir, lui parler, lui faire agréer la résolution que vous prenez de quitter madame Duménil. Eh ! qui vous dit de renoncer aux douceurs d’un commerce innocent, de vous priver avec effort du plaisir de recevoir les visites de M. de Clémengis ? Ne vivant plus de ses bienfaits, retirée dans un asile décent, il vous sera facile et permis de cultiver cette amitié si chère à votre cœur. Écrivez au Marquis, priez-le de se rendre à l’instant ici : vous préviendrez l’inquiétude où vous craignez qu’il ne se livre : un moment d’entretien me fera connaître sa façon de penser ; il ne désapprouvera pas mes conseils, je l’espère : mais s’il les rejette, ne serez-vous pas maîtresse de suivre les siens » ?