Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/482

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de vos bontés. Ah ! falloit-il m’éclairer ! mon erreur me rendoit si heureuse ! Que je hais le monde, ses usages, ses préjugés, ses malignes observations ! Que dois-je à ce monde où je ne vis point ? quoi ! faudra-t-il immoler mon bonheur à ses fausses opinions ? eh ! que m’importe ses vains, ses téméraires jugemens, quand je suis innocente, quand mon cœur ne se reproche rien » ?

« Vous me troublez, vous m’affligez, reprit mademoiselle Duménil ; que vous êtes attachée à M. de Clémengis ! ne puis-je essayer de vous rendre à vous-même, qu’en perçant votre cœur de mille traits douloureux ? Mais cessez de pénétrer le mien par ces cris, ces gémissements dont je suis trop touchée ; pourquoi ces larmes ? vous êtes libre, Ernestine ; eh ! bon Dieu ! ai-je le droit de vous contraindre, de vous arracher avec violence ce bonheur dont vous regrettez si vivement la perte ? vous pouvez le goûter encore, rien ne s’oppose à vos désirs. Oubliez que vous m’avez vue, perdez le souvenir de mon amitié, de mes vains efforts. Allez, retournez avec la vile complaisante qui s’est bassement prêtée à vous faire connaître cette félicité passagère ; ce n’est pas de moi, c’est d’elle que vous devez vous plaindre ; cette femme inconsidérée est la véritable cause de vos peines ; puisse-t-elle ne l’être pas un jour de votre honte et de vos remords » !

« Que je suis malheureuse, s’écria Ernestine ! qu’un instant a répandu de trouble et d’amertume dans mon cœur ! on craint pour moi la honte et les remords ! Ô ma chère Henriette ! ne méprisez pas votre