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vit entourée et presque pressée par l’indiscrète curiosité d’un essaim de ces importuns enfans, abandonnés trop tôt à leur propre conduite, souvent embarrassés d’eux-mêmes, et toujours incommodes aux autres.

Parvenue au pied de l’escalier, où plusieurs femmes attendoient leurs voitures, Ernestine reconnut parmi elles mademoiselle Duménil, qu’elle croyoit encore en Bretagne : la voir, s’écrier, percer la foule, courir à elle, l’embrasser, répéter Henriette, ma chère Henriette ! ce fut l’effet d’un mouvement si rapide, que sa compagne ne put ni le prévenir, ni l’arrêter.

Henriette, embarrassée, loin de répondre aux caresses d’Ernestine, paroissoit vouloir s’en défendre, la repoussoit doucement : « Y songez-vous, Mademoiselle, est-ce le temps, le lieu, lui disoit-elle ? eh ! pourquoi ce feint empressement après un si long oubli ? Retirez-vous, je vous en prie ; tout nous sépare à présent, et vous ne devez pas regretter la perte d’une inutile amie. »

« La perte d’une amie ! répéta Ernestine ; eh ! d’où vient ? eh ! comment l’ai-je perdue ? Quoi, ma chère Henriette, vous ne m’aimez plus ? Vous avouez que vous ne m’aimez plus ! — Je vous plains, Mademoiselle, dit Henriette, c’est vous aimer encore, c’est vous aimer autant que la différence actuelle de nos sentiments peut me le permettre ». Et la regardant d’un air attendri : » Aimable et malheureuse fille, ajouta-t-elle fort bas, est-ce bien vous ? quel éclat ! mais quel foible dédommagement de celui dont brilloit la simple, l’innocente élève de mon frère ! " Une Dame qui