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à son nom, elle poussa un cri de joie, se leva, courut à sa rencontre, lui fit mille questions, et laissa paroître ingénuement tout le plaisir qu’elle sentoit de le revoir.

Ému, pénétré de cet accueil, M. de Clémengis resta un peu de temps sans parler : il considéroit Ernestine avec autant d’étonnement que de satisfaction. Elle s’étoit toujours offerte à ses regards dans un négligé propre, mais simple, devant son éclat à sa fraîcheur, à la régularité de ses traits, à ses agrémens naturels : ses charmes relevés par mille grâces nouvelles, l’aisance de ses mouvemens, la noblesse de sa figure, cette dignité imposante, dont l’innocence décore la beauté, inspirèrent autant de respect que de surprise à M. de Clémengis. Il crut voir cette charmante fille pour la première fois ; elle lui parut née dans l’état où sa générosité l’avoit placée. Parée de ses dons, environnée de ses bienfaits, elle ne lui devoit point de reconnaissance, elle ignoroit ses obligations ; rien ne l’asservissoit, rien ne l’humilioit aux yeux d’un homme qui, loin d’oser lui vanter ses soins, craignoit de les laisser paroître, et s’interrogeoit souvent pour s’assurer s’il ne se trompoit pas lui-même au motif qui le portoit à les prendre.

Pendant plusieurs jours, le Marquis conserva un air timide et embarrassé auprès d’Ernestine ; il hésitoit en la nommant sa maîtresse, il avoit peine à reprendre avec elle ce ton familier et gai de leurs premiers entretiens : peu à peu sa position devint gênante. Avant son départ, occupé seulement du désir de plaire, incertain des sentiments qu’il inspiroit, le