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actuellement d’une fortune assez considérable : cette jolie terre en fait partie, et vous en êtes la maîtresse. Alors elle lui conta une petite histoire, adroitement préparée pour lui persuader que son mariage, contracté malgré ses parents, l’avoit privée de ses biens pendant la vie de son mari.

Rien ne portoit Ernestine à douter de la sincérité de cette femme ; elle ne connoissoit ni les lois, ni les usages : elle la crut sans hésiter ; la félicita de l’heureux changement de sa situation, et se sentit vivement touchée des assurances que madame Duménil lui donnoit de partager avec elle toutes les douceurs de son nouvel état.

Pour contenter son amie, Ernestine fut obligée d’occuper le plus bel appartement, d’accepter de riches présens, de se prêter aux soins d’une femme de chambre destinée à la servir seule : il fallut se laisser parer. Madame Duménil dirigea l’emploi de son temps, et voulut obstinément que sa toilette en remplît une partie. On lui apprit à relever ses charmes par tout ce qui pouvoit en augmenter l’éclat : insensiblement cet art lui devint facile et agréable, elle se plut, elle s’aima même ; mais ce fut avec une modération dont son heureux naturel la rendoit capable en tout. Un maître à danser vint lui enseigner à développer les grâces de sa personne : on lui donna des leçons de musique, ses mains adroites s’accoutumèrent bientôt à parcourir les touches d’un clavecin : une oreille parfaite la conduisit en peu de temps à unir les sons de sa voix légère à leur harmonie. Le désir de plaire à madame Duménil aidoit