portrait que M. Duménil avoit fait du Marquis, et ce billet :
« Je vous quitte, ma charmante maîtresse ; un devoir indispensable m’arrache à la douceur de vous voir, de profiter de vos soins, de vos bontés ; mais je n’oublierai point vos leçons : pendant une longue et triste absence, ma seule consolation sera de me les rappeler. Dans vos momens de loisir, daignez vous occuper à regarder ce portrait, à le copier ; multipliez l’image d’un ami dont le cœur vous est tendrement attaché ; conservez son souvenir, et souhaitez quelquefois de le revoir ».
Ernestine sentit de l’émotion et de la douleur en lisant ce billet. Pourquoi M. de Clémengis s’éloignoit-il sans prendre congé d’elle ; sans lui dire qu’il partoit ? Elle lut plusieurs fois sa lettre, toujours révoltée du mystère de sa conduite : insensiblement elle s’attendrit, le regret succéda au dépit. Elle s’étoit fait une douce habitude de voir le Marquis, de lui parler, de passer des heures entières avec lui. Quelle privation ! Elle perdoit jusqu’au plaisir de l’attendre.
Ses yeux mouillés de quelques larmes, s’attachèrent sur le portrait ; elle le considéra long-temps, mais ne l’examinant plus en artiste, elle trouva que M. de Clémengis avoit eu raison de se plaindre de cet ouvrage. « Voilà ses traits, disoit-elle, sa physionomie ; mais où est l’ame, la vivacité de cette physionomie ? Où sont ces regards si doux, où l’amitié