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par une grande récompense, à paroître répandre sur son amie les biens dont M. de Clémengis alloit la faire jouir, ne pouvoit comprendre l’étrange conduite d’un amant si libéral et si discret.

« Comment espérez-vous toucher le cœur d’Ernestine, lui disoit-elle, si vous lui cachez la passion qu’elle vous inspire ? Vous l’enrichissez, et vous voulez lui laisser ignorer votre amour et vos bienfaits ? — Ah ! puisse-t-elle les ignorer toujours ces bienfaits, répondit-il ! je veux lui plaire et non pas la séduire ; la rendre libre, et jamais la contraindre ou l’asservir : j’aime à la voir me montrer une innocente affection, s’attacher à moi sans dessein, sans projet, sans crainte, sans espérance ! Un tendre intérêt se peint dans ses yeux depuis qu’elle s’aperçoit de ma tristesse : elle m’aime peut-être ! imposerois-je des lois à cette fille charmante ? En excitant sa reconnoissance, je gênerois son inclination, je m’ôterois la douceur de penser que je possède un cœur qui ne prise en moi que moi-même. »

M. de Clémengis répéta alors à madame Duménil, toutes les instructions qu’il lui avoit déjà données, sur la façon dont elle se conduiroit après la mort de son mari. Elle promit de se conformer à ses intentions ; de garder fidèlement son secret, et de lui apprendre, par ses lettres, ce qu’Ernestine penseroit du changement de sa situation. Peu de jours après cet entretien, M. de Clémengis fut contraint de s’éloigner. Le lendemain de son départ, à l’heure où il se rendoit ordinairement chez Ernestine, elle reçut de sa part une boîte fort riche ; elle renfermoit le