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s’obstina ; elle ne céda point : le son de sa voix, la justesse de ses expressions, un peu de vivacité excitée par les fausses remarques du Marquis, achevèrent de l’enchanter. Il demanda une copie de son portrait, exigea qu’elle fût entièrement de la main d’Ernestine. Le peintre le promit. M. de Clémengis, manquant enfin de prétexte pour prolonger le plaisir de rester avec Ernestine, sortit à regret de ce cabinet ; et M. Duménil l’accompagnant jusqu’à son carosse, satisfit sa curiosité, en l’instruisant du sort de son élève.

Celui que le hasard venoit d’offrir aux yeux d’Ernestine, joignoit à mille agréments extérieurs, un caractère rare, et peut-être un peu singulier. M. de Clémengis, descendu d’une maison ancienne et distinguée, n’était pas né riche : ses espérances de fortune dépendoient de la révision d’un procès, sollicitée depuis près d’un siècle par ses pères. Son bonheur avait placé dans le ministère un de ses proches parens. Chéri de cet homme puissant, le Marquis jouissoit de tous les avantages attachés à la faveur ; mais il n’en abusoit pas. Plus sensible que vain, plus libéral que fastueux, son ame noble et délicate apprécioit la grandeur et la richesse par le pouvoir qu’elles donnent de faire des heureux. Un naturel doux et tendre le portoit à désirer des amis ; il trouvoit des flatteurs, les servoit, et les dédaignoit : il découvroit un sentiment intéressé dans tous ceux dont il se voyoit caressé. L’amour même ne lui donnoit point de plaisirs sans mélange : s’il goûtoit un instant la satisfaction de se croire choisi, préféré ; d’importunes demandes, des sollicitations pressantes et réitérées, lui laissoient