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sonnable, conduisoit la maison, avoit de grandes attentions pour son maître. Madame Duménil alloit au spectacle, à la promenade, soupoit dehors, rentroit tard, dormoit une partie du jour ; et comme son mari ne le trouvoit point mauvais, rien ne l’engageoit à se contraindre. L’élève de M. Duménil, appliquée à son étude, la rencontroit à peine deux fois en un mois ; et quand elles se parloient, c’était avec politesse, mais avec une mutuelle indifférence.

Ernestine passa trois années chez son maître, sans que rien troublât la paisible uniformité de sa vie. Parvenue au degré de perfection où M. Duménil pouvoit la conduire, un goût naturel lui fit passer de bien loin ses leçons : il s’en aperçut avec plaisir. Comme il étoit souvent malade, incapable de travailler lui-même, il pensa à faire connoître le talent de son écolière : il engagea plusieurs de ses amis à se laisser peindre par elle, et ces essais commencèrent à lui donner de la réputation.

Un jour que, seule dans le cabinet de M. Duménil, elle achevoit les ornemens d’une miniature qu’il devoit livrer incessamment, elle entendit ouvrir la porte, se tourna, vit un homme dont la parure et l’air distingué pouvoient attirer l’attention : par une suite de l’application d’Ernestine à son ouvrage, elle fut seulement frappée de trouver en lui l’original du portrait où elle travailloit. Elle le salua sans lui parler, une simple inclination, un signe de sa main l’invitèrent à s’asseoir ; il obéit en silence. Ernestine fixa ses regards sur lui, les baissa ensuite sur la miniature, et pendant assez long-temps ses yeux se promenèrent