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femme à la prendre chez elle. Cet honnête homme se contenta d’une très-petite pension, promit de cultiver ses dispositions et de la rendre capable de se soutenir par son talent. Ernestine accepta ses offres avec reconnoissance, et deux mois après la mort de sa bienfaitrice, Henriette la conduisit dans la maison de son frère.

La douleur d’Ernestine était plus profonde qu’on ne devoit l’attendre d’une personne de son âge : elle pleuroit madame Dufresnoi, elle la pleuroit amèrement, sans pourtant envisager toutes les conséquences de la perte qu’elle faisoit en elle. Ses larmes avoient pour objet le regret d’être à jamais séparée d’une femme douce, bonne, attentive ; d’une tendre, d’une indulgente compagne. Madame Duménil n’étoit pas d’un caractère à la dédommager de sa première amie : légère, étourdie, folle même, elle rioit de tout, ne s’intéressoit à rien ; confondoit la tristesse avec l’humeur, et ne voyoit dans une personne affligée qu’une personne ennuyeuse.

Cette femme, âgée de vingt-six ans, avait un goût décidé pour la dissipation et l’amusement : très-bornée dans ses dépenses, elle ne pouvoit se procurer les plaisirs dont elle était avide, ni consentir à s’en priver. Elle chercha les moyens de satisfaire ses désirs malgré son peu de fortune, et devint l’amie complaisante de plusieurs femmes d’une conduite peu exacte. M. Duménil, bon, simple, occupé de son talent, du soin de ménager une poitrine délicate, une santé foible et souvent languissante, laissoit vivre sa femme à sa propre fantaisie. Une gouvernante âgée et rai-