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Edouard, en servant l’objet de ses plus douces affections. Il sortoit d’une maladie causée par l’inquiétude et le chagrin, il se trouvoit très-foible ; cependant il écrivit à ladi Sara. « Nous avons perdu, Madame, lui disoit-il, l’ami que nous aimions uniquement tous deux ; unissons nos regrets ; permettez-moi de vous nommer ma fille, de vous montrer les sentimens et de père et d’époux ; disposez de mes soins, de tout ce qui m’appartient ; j’irai apprendre de vous-même quelles sont à présent vos intentions : prêt à m’y conformer, je me rendrai à Londres dans huit jours ; j’y recevrai vos ordres ; il ne me reste plus de désir, Madame, que celui de vous devenir utile ».

Une assurance si positive de la mort d’Edouard, porta le désespoir dans l’ame de la triste Sara. Aucune considération ne fut capable d’en arrêter les mouvemens ; elle s’abandonna aux regrets les plus vifs, aux plaintes les plus touchantes : ces violentes agitations épuisèrent enfin ses forces. Elle resta deux heures sans connoissance, et ne fut rappelée à la vie que par des douleurs aiguës et redoublées. Tant de trouble et d’émotion avoient avancé le temps où elle devoit naturellement les sentir. Je vis le jour, ma naissance aigrit ses tourmens ; mes premiers cris se mêlèrent aux gémissemens de son cœur ; elle les entendit, ils pénétrèrent jusqu’au fond de son ame. « Ô malheureux enfant, s’écria-t-elle, tu ne prononceras jamais doux nom de père » !

Depuis cet instant, elle s’affoiblit de plus en plus. Elle gardoit un morne silence, et ne le rompoit que pour exprimer sa profonde tristesse : tout l’impor-