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telles ; elle perdoit insensiblement le repos, et ses nuits se passoient à désirer et à craindre les nouvelles du lendemain.

Elle reçut à la fois deux lettres d’Edouard, bien capables de dissiper son effroi. Il l’assuroit qu’on alloit se séparer sans action ; la supplioit d’éloigner de son esprit les tristes idées dont elle s’occupoit. Il se promettoit, il se flattoit de la revoir avant la fin du mois. Toutes ses expressions montroient une extrême gaieté. Elles trompèrent Sara ; son cœur s’abandonna à la plus douce espérance. Le lendemain, le courrier manqua sans lui causer beaucoup d’alarmes. Elle pensa qu’Edouard revenoit peut-être, et vouloit la surprendre.

Mistriss Larkin avoit dans cette même armée un neveu qu’elle aimoit tendrement. Comme elle entroit le soir chez ladi Sara, elle reçut, par un courrier dépêché au prince Thomas, un billet de ce neveu. Elle l’ouvrit, le lut, et jeta un cri perçant. Ladi Sara l’entendit, courut à elle, lui demanda pourquoi elle crioit. Cette femme, consternée, oubliant l’intérêt que la jeune Ladi pouvoit prendre elle-même à de si funestes nouvelles, lui présenta le billet de son neveu. Il contenoit ce peu de mots :

« Nous venons de donner une bataille et de la perdre. Je suis blessé, mais légèrement. Nous fuyons ; je vous écris à six lieues du champ fatal où nous laissons dix mille des nôtres. J’ai vu tomber milord d’Orset, mon protecteur et mon ami. Je voudrois être mort hier je ne puis vous en dire davantage. On m’avertit que nous allons marcher