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et l’amitié les unissoit ; mais la différence de leur âge n’admettoit point entre elles cette intimité qui bannit toute réserve. La Comtesse gardoit son secret par prudence, et mademoiselle du Bugei ignoroit qu’elle en eût un à confier.

M. de Cressy se trouvoit plus souvent avec Adélaïde, qu’avec la Comtesse. Il alloit presque tous les jours dans une maison où elle étoit familière. Il s’aperçut du désordre où la jetoit sa présence, et connut le penchant de son cœur. Il sentoit un plaisir secret en observant l’impression qu’il faisoit sur ce cœur simple et vrai ; mais comme il étoit fort éloigné de borner son ambition à la fortune qu’elle pouvoit lui apporter, il rejeta d’abord toute idée de profiter des dispositions d’Adélaïde : mais le temps, la vanité, le désir, l’amour peut-être, détruisirent cette sage résolution, et lui présentèrent un moyen d’entretenir le goût que mademoiselle du Bugei lui laissoit voir, sans rien changer au plan déjà formé pour son élévation.

Ainsi, cachant à tous les yeux les nouveaux sentimens dont il étoit occupé, il affecta de ne lui marquer aucun égard qui pût les dévoiler, et s’attacha à lui rendre des soins dont elle seule pût s’apercevoir. Cette conduite adroite fit l’effet qu’il en avoit attendu : Adélaïde se crut aimée ; son cœur, prévenu par une forte inclination, s’enflamma peu à peu, et sa passion devint si puissante sur son ame, que l’ingratitude et la perfidie du Marquis ne purent dans la suite ni l’éteindre, ni la lui rendre moins chère.

Madame de Gersai, chez laquelle Adélaïde et le Marquis se rencontroient si souvent, étoit sœur du