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l’âge avancé et l’humeur fâcheuse ne lui avoient fait connoître le mariage que par ses dégoûts, sembloit s’être destinée à vivre libre ; elle entroit dans sa vingt-sixième année ; sa taille étoit haute, majestueuse, ses yeux pleins d’esprit et de feu ; une physionomie ouverte annonçoit la noblesse et la candeur de son ame ; la bonté, la douceur et la générosité formoient le fond de son caractère ; incapable de feindre, elle l’étoit aussi de concevoir la plus légère défiance : on lui inspiroit difficilement de l’amitié, mais quand elle aimoit, elle aimoit si bien qu’il falloit mériter sa haine pour la ramener à l’indifférence. Une naissance illustre, une fortune immense, étoient les moindres avantages qu’une femme telle que madame de Raisel pût offrir à l’heureux époux qu’elle daigneroit choisir.

Adélaïde du Bugei n’avoit guère plus de seize ans ; tout ce que la jeunesse peut donner de fraîcheur et d’agrément, étoit répandu dans ses traits et sur toute sa personne ; à un esprit naturellement vif et perçant, elle joignoit ce charme inexprimable que donnent l’innocence et l’ingénuité. Elle n’avoit plus de mère. M. du Bugei venoit de la retirer de l’abbaye de Chelles dans le dessein de la marier. La fortune d’Adélaïde n’étoit pas considérable, la plus grande partie de celle de son père consistoit en bienfaits du Roi. Mais l’ancienneté de sa maison, les services de ses aïeux, son mérite et sa beauté, lui promettoient un sort bien différent de celui dont l’intérêt et l’amour la rendirent la triste victime.

Telles étoient les deux personnes dont M. de Cressy fit naître les premiers sentimens. Elles étoient alliées,