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de se faire conduire chez le comte de Lenox, où, par les ordres donnés à ses gens, il paroissoit devoir rester plusieurs jours.

Ladi Sara poussa un cri à ce discours. Trouvant à peine la force de regagner son appartement, elle se jeta sur un siége en y entrant ; et couvrant son visage comme pour se cacher à la nature entière, elle resta dans cette espèce d’insensibilité où conduit la violence d’une douleur trop vivement sentie pour être exprimée. Ses femmes, empressées à la secourir, ne purent la rappeler à elle-même ; la pâleur de la mort avoit déjà effacé les couleurs de son teint. On la mit au lit sans qu’elle s’y opposât, ou y consentît. Elle demeura dans cet état, paisible en apparence, jusqu’à neuf heures du soir. Alors Lidy, la plus jeune de ses femmes, lui présenta une lettre. On venoit de l’apporter de la part d’Edouard. Ce nom et la vue de cette écriture, réveillèrent ses sens assoupis par le saisissement de son cœur. Ses larmes commencèrent à couler, à ralentir les mouvemens intérieurs dont elle étoit agitée. Elle ouvrit en tremblant cette lettre, et y trouva ce qui suit :

Lettre de milord Edouard à ladi Sara.

« Ô, ma chère Sara, quel doit être le trouble de votre cœur ! le mien est percé d’un trait mortel. Quoi, nous sommes séparés ! quoi, on m’a entraîné, trompé, arraché d’auprès de vous ! quel affreux revers ! puis-je vivre et penser !… Mon désespoir, mes larmes ne me laissent pas la liberté d’écrire… Qu’ai-je fait, malheureux ! J’ai porté le regret dans