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sembloit devoir troubler, confuse, inquiète, osoit à peine lever les yeux sur celui dont les droits alloient être si décidés. Elle l’évitoit sans pouvoir démêler le mouvement qui la portoit à le fuir. En sortant de table, elle entra dans les jardins, et se hâtoit de gagner un bois où elle aimoit à se promener, quand Edouard, courant sur ses pas, la joignit au détour d’une allée. Sara rougit, et se déconcerta si fort en le voyant, qu’il en fut surpris, même affligé. Il lui fit de tendres reproches de l’air d’abattement répandu sur son visage. Mille doutes s’élevèrent dans son ame ; pour la première fois, il craignit qu’en lui donnant la main, elle ne cédât au devoir. Sa tristesse, à l’approche de l’instant où elle alloit être à lui, instant prévu depuis si long-temps, lui paroissoit naître d’une indifférence dissimulée, peut-être, par respect, par soumission. Ces soupçons, qu’il ne cacha pas, touchèrent vivement ladi Sara. Des assurances réitérées de sa tendresse, un aveu naïf des mouvemens involontaires qui l’agitoient, lui inspiroient de la crainte, et l’air de vérité dont ses discours étoient accompagnés, dissipèrent bientôt l’erreur d’Edouard.

Une petite pluie commençoit à les incommoder. Ils s’avancèrent vers un bosquet entouré d’arbres odoriférans, et rempli des plus belles fleurs de la saison. La sûreté de cet asile les y arrêta. Ils s’assirent sur un gazon, et gardèrent le silence pendant quelques momens. L’agrément de ce lieu, le chant d’un nombre infini d’oiseaux, le murmure d’une cascade qu’ils avoient en perspective, leur rappelèrent cet endroit de Milton, où les deux créatures souveraines du monde