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Ne tenant à rien dans le monde, je n’ai adopté les préjugés d’aucun état ; je ne cherche point la célébrité, et rougirois d’affecter une philosophie sous laquelle on cache souvent plus d’orgueil que de véritable désintéressement. Dans la circonstance qui vous porte à m’écrire avec tant de chaleur, j’agis pour moi seule. Satisfaite de l’approbation de mon cœur, je puis négliger celle du grand nombre ; mais la vôtre ne m’inspirera jamais cette indifférence, Madame, et je mettrai toujours ma gloire à la mériter.

On ne vous en impose point. Un lord riche, puissant, estimé, revêtu de plusieurs dignités, me recherche avec empressement ; il est jeune encore ; on le trouve aimable ; il m’aime depuis long-temps. Une passion conservée près de cinq années, semble le mettre en droit d’attendre, de demander, d’espérer le prix de sa constance. Je refuse de le lui accorder, on s’en étonne, et vous-même, Madame, vous n’approuvez point ce refus obstiné.

Milord Alderson appuie les vœux de cet amant. Le bruit s’est répandu qu’il vouloit m’adopter. À la vérité, il se propose de déshériter en ma faveur sir Henri Lindsey, son parent. D’immenses richesses me sont offertes : on n’exige de moi qu’une seule démarche. Celui qui me presse de la faire, a le pouvoir d’en rendre le succès certain… Ah ! Madame, quelle démarche ! Quel époux veut-on me donner ! et quel protecteur ose me demander de la tendresse et du respect ! Quand vous m’exhortez par vos lettres à ne pas négliger de si grands avantages, savez-vous quel est mon sort ? qui je suis ? connoissez-vous ceux dont