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portez sur une selle à bras fermée de tous costez, & ne peuvent pas estre veus des passans si ce n’est qu’ilz ouvrent le devant, en quoy ilz sont differentz des Magistratz : car iceux sont portez dans des chaizes ouvertes de tous costez. Cest aussi la coustume que les femmes marieez soient porteez dans une chaize fermée de tous endroictz  : mais par la forme elles sont aisement recognues différences de celles des hommes. Il n’est pas permis par les loix d’avoir des coches, ou carrosses.

On void quelques villes basties au milieu des rivieres & des lacz, comme Venise au milieu de la mer. En ces villes on va par les rues sur des Gondolles tres proprement embellies. Et d’autant que tout le pays est divisé de rivieres & de canaux, ilz voyagent plus souvent par bateaux que les nostres, & sont aussi la plus part plus commodes, & plus propres. Mais ceux sur lesquelz les Magistratz sont portez (ce qui se fait tousjours aux despens du public) sont si grandz, qu’ilz portent sans aucune incommodité toute une famille entière, & aussi aisement que s’ilz estoient dans leur propre maison. Car il y a en iceux diverses demeures, sales, cuisines, chambres, caves, despenses, & le tout si bien & richement paré, qu’ilz semblent non des navires, ains des maisons de princes. Ainsi il arrive souvent que pour faire quelque festin magnifique ilz se retirent en ces navires, d’autant qu’à mesme temps ils se pourmenent avec delice & volupté sur les rivieres & les lacz. Au dedans tout esclatte de ce reluisant betume meslé de diverses couleurs, que les Portugais appellent Ciara, & les graveures où il est requis proprement doreez recreent les yeux, comme les parfums & mixtions odorantes les narines.

Ilz portent beaucoup plus d’honneur & de respect à leurs maistres que nous ; & encor que quelqu’un ne soie esté disciple d’un autre que l’espace d’un jour, en quelque science ou art que ce soit ; neantmoins en apres durant toute sa vie il l’appelle son maistre & l’honore pour tel. Car il ne s’assoit jamais qu’à son costé en quelque assemblée que ce soit, & luy rend les devoirs avec le mesme respect, tiltres & ceremonies deuës aux maistres.

Le jeu de dez, & de cartes, qui est aussi en usage en ce pays, est vulgaire jeu de dez, & commun parmi le peuple. Les plus graves pour passer le temps, & aussi pour le gain, emploient les eschecz qui ne sont pas beaucoup dissemblables aux nostres. Ilz sont differentz en cecy. Le Roy ne sort jamais des quatre cellules les plus proches de son lieu, ni aussi les deux lettrez assesseurs du Roy. Ilz n’ont point de Roine. Ilz ont deux autres pièces d’assez belle invention qu’ilz appellent les chauderons ou boettes à poudre de