Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proprement leurs chapeaux en diverses façons avec des beaux ouvrages ; ceux-là sont estimez les meilleurs qui sont tissus de soye de cheval. L’hiver ilz portent des bonnetz de laine, ou aussi de pure soye. Leurs souliers principalement sont differentz des nostres. Les hommes les portent de crespe ou pure soye, & les accommodent si bien avec diverses enlassures de fil de soye & de fleurs, qu’ilz surpassent mesme la proprieté de noz dames. Aucun ne porte des souliers de peau, si ce n’est la lie du peuple, & aussi rarement employent ilz des peaux en semelles, mais ilz les garnissent de draps cousus ensemble.

Les bonnetz des gens de lettres sont carrez : les autres ne les peuvent porter autres que rondz. Chacun d’eux le matin consume pour le moins une demie heure à se peigner & ageancer sa chevelure ; ce qui seroit tres-fascheux aux nostres. Ilz ont aussi accoustumé d’enveloper leurs piedz & jambes de fort longues bandes. C’est pourquoy ilz se servent tousjours de tres-longues jarretieres. Ilz n’ont pas de chemises comme nous  : mais au lieu d’icelles ilz portent une tunique de drap blanc sur la chair, & se lavent souvent le corps. Ilz font porter un parasol contre les rais du Soleil & contre la pluie par un serviteur  : les pauvres en portent un plus petit eux-mesmes.

Je traicterai maintenant de la coustume receue entre les Chinois touchant les noms propres, qui semblera estre du tout inouie aux nostres. Ilz ont (commc j’ay dict) un surnom ancien & immuable  : mais il n’est pas de mesme du nom ; car ilz s’en forgent un nouveau, & signifie tousjours quelque chose qui aussi convient bien aux surnoms. Ce nom s’escrit avec un seul charactere ; & se prononce (ce qui est tout un) d’une seul syllabe, il peut toutefois estre de deux. Le pere donne le premier à son enfant, mais seulement si c’est un masle : car les femmes, soit jeunes, soit aageez n’ont point de nom entre les Chinois : mais on les appelle du surnom du pere, & du nombre qu’elles tiennent entre les soeurs par ordre de naissance. Les peres tant seulement & les plus grans appellent les masles par ce nom ; les autres les appellent du nombre que par ordre de naissance ilz tiennent entre leurs freres, comme nous avons maintenant dit des filles. Mais eux-mesmes aux libelles de convy & de presens, & ez autres escritures, & lettres s’appellent par leur propre nom, qu’ils ont le premier receu de leur pere ; mais si quel qu’un des autres qui fussent esgaux ou superieurs, appelloit quel qu’un de ce nom, ou aussi son pere ou son parent, du sien, cela seroit non seulement încivil, mais aussi injurieux.

Quand l’enfant commence premièrement ses estudes, son precepteur luy impose un autre nom, qu’on appelle nom d’eschole ; & ont accoustumé,