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des Ephores de Lacedemone, si ces censeurs pouvoient quelque chose de plus que parler, ou plustost escrire, & s’ilz n’estoient contraints estans advertis de dependre de la volonté du Roy. Or ils s’acquitent si exactement de ce devoir, qu’ilz peuvent estre en admiration, & servir d’exemple aux peuples estrangers. Car ils n’espargnent jamais en quelque temps que ce soit aucuns Mandarins, ny le Roy mesme (tant grande est leur franchise & sincerité.) Car encor qu’il arrive maintefois que le Roy se fasche, & les traitte rigoureusement (car le plus souvent ils fichent l’esguillon de leur libelle, où ils scavent estre le plus grand ressentiment de douleur, reprenant sans exception, ny acception des personnes les vices des plus grands Magistratz, voire du Roy) ils ne cessent neantmoins jamais de reprendre, & d’admonester incessamment, tandis qu’ils voient qu’on n’applique pas le remede convenable au mal commun.

Le mesme aussi est permis par les loix à tous les autres Magistrats, & non seulement au Magistrat, mais aussi à chasque particulier. Les libelles neantmoins de ceux que j’ay mentionnez cy dessus sont plus estimez ; d’autant qu’ilz font cela par le devoir de leur propre charge ; les exemplaires des libelles envoyez au Roy, & les responses, sont imprimez par plusieurs, d’où vient qu’aussi tost les affaires de Cour sont publiez par plusieurs coings du Royaump, & y en a qui asssemblent par apres tous ces livres en un. Et s’il y a quelque chose digne du souvenir de la posterité, on le transcrit aux Annales du Royaume.

Depuis peu d’anneez, comme le Roy qui commande maintenant, ayant forclos son filz aisné contre les loix, vouloit faire declarer pour Prince son puisné (que luy, & la Royne aymoient cherement) on est repris, a escrit un si grand nombre de libelles, par lesquelz le fait du Roy estoit repris, que sa Majesté entrant en furie, en priva plus de cent de leurs offices, ou les abaissa à des moindres ; & toutefois cela ne les a pas espouvantez, ny esté suffisant pour les faire cesser  : ains certain jour tous les Mandarins, qui pour lors estoient presents conspirans ensemble, s’en allèrent au Palais Royal, & deposans les marques de leurs offices, envoierent quelqu’un pour advertir le Roy, que s’il vouloit contre les loix persister en ce fait, qu’ilz se demettoient à l’advenir de leur Magistrature, & s’en retournoient comme personnes privées en leur maison ; quant à luy, qu’il donnast le Royaume en charge à qui il lui plairoit. Ce que le Roy ayant ouy, s’abstint contre son gré de ce dessein.

Nagueres aussi comme le plus grand des Colaos ne s’acquittoit pas